Entretien avec Alain Séchas

Même pas peur ! / Alain Séchas

Alain, est-ce que tu pourrais nous parler de ton image, « Même pas peur ! », que nous avons éditée en sérigraphie ?

Cette image on l’a choisie en lien avec l’exposition chez Patrick Raynaud, image que j’avais un peu isolée dans l’exposition parce qu’elle était plus en couleurs, basique, en rouge, bleu et jaune. On a simplifié l’image pour en faire une interprétation sérigraphique d’un dessin de votre serviteur.

C’est un des dessins quotidiens ou quasi-quotidiens que j’ai commencés, il y a un an, à poster sur Instagram (l’exposition chez Patrick s’appelait Insta-Marseille). Celui-là fait partie de ces insta-dessins où il y a ce personnage, souvent l’artiste, un peu bébête avec les éléments bébêtes de l’atelier, le chevalet, la palette, les pinceaux, même la blouse, etc… Vraiment le parfait petit artiste qui rate un peu ce qu’il est en train de faire – ou ne pas faire. Des fois, on voit le tableau, des fois il est de côté, des fois il y a un témoin qui fait entrer intimement dans ce que c’est que l’art. Parce que c’est ça aussi l’art, c’est cette bêtise, ce ridicule. Déjà, produire des images c’est un peu ridicule quand même.

Donc le personnage est en train de faire un tableau, qui est une sorte de Barnett Newman. Mais sur le tableau il y a un personnage qui tient la barre, ce trait noir qui devient une sorte de barre de métro, ou il est en train de voler le trait… enfin il y a une ambiguïté sur ce qu’il est en train de faire et l’artiste lui-même est surpris. Le haut du trait n’est pas fini, il y a un décrochement de plan de façon à faire comprendre qu’il s’en empare. En même temps ça renvoie à mes « derniers » tableaux abstraits, où il y avait un grand tracé noir avec une brosse très large. C’est une citation de citation, qui est redoublée par l’effet sérigraphique.

Donc il y a d’un côté l’artiste, ahuri de ce qui se passe, et le modèle lui-même, qui est lui aussi éberlué par ce qu’il fait, comme un miroitement, un dédoublement de l’action. C’est l’idée du tableau dans le tableau qui me plaisait.

Quel rapport entretiens-tu avec le multiple et l’édition d’œuvre ?

Je ne suis pas spécialement liée au multiple, mais j’aime bien les arts graphiques en général. La sérigraphie, je connais bien parce que c’est ce que j’ai fait le plus, le côté simple d’aplats de couleurs est quelque chose qui m’a toujours plu.

J’aime bien aussi l’idée de la correspondance avec la peinture que je pratique depuis quelques années un peu plus abondamment, plutôt que la sculpture que je faisait avant, donc l’idée par exemple d’utiliser de l’acrylique maintenant en sérigraphie comme on utilise l’acrylique en peinture. J’aime bien cette correspondance entre les arts graphiques et le travail d’atelier, de la pièce unique.

Pour moi, faire une édition c’est faire une œuvre. Je ne suis pas lié à l’édition qui serait « en plus » du travail de l’artiste. J’en ai fait occasionnellement et à chaque fois ça a été une œuvre en tant d’exemplaires, c’est une œuvre.

Pour « Même pas peur », je n’avais jamais fait ça comme ça, avec la contrainte des trois couleurs qui jouent avec la superposition, à chaque fois c’est une première fois. Je n’aime pas trop la routine, j’aime bien les choses qui tombent sous le sens, qui arrivent au bon moment.

Qu’est-ce qui t’a convaincu de travailler avec nous ?

Je connaissais l’atelier par d’autres artistes avec qui vous avez travaillé et c’était une bonne occasion l’expo chez Patrick. Vous êtes en bonne entente, donc c’était un plaisir de multiplier les choses à Marseille. Un jour ou l’autre on fera quelque chose à nouveau. J’aime bien la spécificité de la sérigraphie, il y a une simplicité d’usage, évidemment c’est complexe mais les règles sont simples. J’aime bien les boîtes de crayons de couleurs, tu sais que tu as 50 couleurs, ou les feutres posca, tu en as douze, tu n’en a pas plus et tu sais que tu vas faire ta création avec ça, j’aime bien cette idée de la limite technique.

Même pas peur !