Photographe et sculpteur, Jean-Luc Moulène est l’un des plus importants acteurs de la scène artistique française contemporaine. 

Né à Reims en 1955, il étudiera aux Beaux-Arts de Versailles, puis à l’Université Paris I où il obtiendra une maîtrise en arts plastiques en 1979. Conseiller artistique au sein du groupe de produits électroniques et électroménagers Thomson pendant une dizaine d’années, il entreprend en 1989 un virage catégorique pour se consacrer uniquement à ses activités de création. Il enseignera à l’École Nationale de Communication, d’Art et de Design de Nancy, puis à l’École Supérieure d’Art et Design d’Amiens et enfin à l’École d’Art de Grenoble. Depuis 1999, il se consacre uniquement à son travail artistique.

Jean-Luc Moulène bénéficie d’une importante notoriété au sein du paysage artistique français depuis ces 25 dernières années, notamment pour ses photographies. On pense à ses fameux « 39 objets de grèves » (1999), un minutieux travail d’inventaire photographique d’objets réalisés par des ouvriers en grève. Son travail connaît aussi un succès croissant à l’international, comme peut en attester son exposition personnelle à Dia:Beacon en 2011.

Son œuvre, dont la photographie a en effet longtemps constitué la part la plus visible, navigue toutefois sans discontinuer entre tous les médiums. Aussi, la forme n’est jamais première dans son travail. Il va davantage partir d’expériences, d’observations, de logiques analytiques. La bonne forme en découlera. On entend alors que son travail échappe à toute catégorisation de genre ou de style : images photographiques, livres, objets (terme qu’il privilégie à celui de « sculptures »), peintures, installations… Si les objets sculpturaux ont pris récemment une plus grande visibilité, au point de devenir les œuvres principales de ses dernières expositions, il semble impossible de définir son esthétique singulière. « Je ne m’intéresse qu’à ce que je ne connais pas », dit-il. « J’essaie de faire en sorte que chaque œuvre se charge de toutes les contradictions. Une œuvre, ce n’est jamais oui ou non, c’est à la fois oui et non. Je suis pour tous les possibles. » L’expérimentation perpétuelle donc.

Le portfolio « Brèves » comporte 12 sérigraphies produites en étroite collaboration avec l’artiste sur les presses de l’atelier Tchikebe en 2018. La genèse de cette production s’inscrit dans un travail entreprit vingt ans plus tôt avec les « 39 objets de grèves », dont l’un était un numéro sans images du quotidien Herald Tribune. Ces 12 sérigraphies prolongent aujourd’hui ce travail en s’en faisant d’une certaine manière l’écho imagé. Ces photographies collectées par l’artiste dans divers journaux sont imprimées, retouchées par le dessin, afin d’y ajouter une strate de significations, puis agrandies. Ces images à deux niveaux forment des palimpsestes qui figent le regard dans une sorte d’état amusé, mais aussi gorgé de troubles, de malaises et d’incompréhensions.