Mothi Limbu envisage son travail produit à l’atelier tchikebe comme il pense ses images: dialectiquement. De même qu’elles fonctionnent comme une entité qui à la fois contient, problématise et dépasse deux composantes, le fruit de la rencontre entre les frères Ludwig-Legardez et Mothi Limbu ne saurait se réduire à l’un ou l’autre des ces deux termes, ni même à leur simple somme, mais s’apparente à l’effet d’émulsion qui résulte de leur mise en synergie.
Cette approche dynamique, caractéristique de l’ensemble de son œuvre, semble profondément ancrée au cœur de chacune de ses images. Un paradoxe s’y dévoile, qui vient insensiblement infléchir l’identité du travail : comment insinuer la notion dynamique de mouvement ou de transformation au sein d’une image, dont la caractéristique cardinale de fixité s’y oppose de manière polaire ?
Mothi Limbu ne produit pas d’images. Pas plus qu’il ne fabrique des objets. En réactualisant le genre du jeux optique à ambiguïté formelle, il nous propose un réel trans-média, une image qui tremble. Ce paradoxe conceptuel vient doubler et réaffirmer les oxymorons visuels qui structurent ses pièces. Binaire, chacune des entités présentées est une mise en tension, au sens physique du mot : une différence de potentiel. Aucun des termes ne saurait prendre son sens sans son pendant, tandis que par ailleurs ils se nient mutuellement. Toujours duelle, l’image se déplie en miroir, s’étire dans une tension immanente au choix des motifs. Les deux partis, affectés du dédoublement caractéristique de la gémellité, sont suspendus entre identités et altérités réciproques. Ce que Mothi Limbu semble en fin de compte nous montrer c’est la déclinaison opiniâtre de la figure des pôles.
Clémence Agnez